Gautier Dupleix, François Giroux 16 juillet 2020

Dans la continuité de l’article paru en mars 2019 rédigé par François Giroux (Advents) et Stéphane Gelas (MTKSA) sur l’entrepôt 4.0, nous vous proposons cette année une série de 3 articles concernant les technologies d’aujourd’hui et de la prochaine décennie dans la chaîne amont de la Supply Chain. La logistique amont fait référence aux opérations précédant la production soit le transport (du fournisseur jusqu’au quai de réception), la réception avec ses contrôles qualité et enfin l’entreposage.  

Aujourd’hui, vous trouverez ce premier article concernant les technologies relatives au Transport.

Les nouvelles technologies au service du transport logistique

Le secteur de la logistique et du transport représente environ 10% du PIB français, de ses réseaux d’infrastructures jusqu’au transport des marchandises, ce qui en fait la cinquième activité économique en France. Ce secteur est cependant obligé de muter puisque de nombreuses contraintes environnementales, sociétales et sanitaires vont lui être imposées dans les prochaines années. Il y a donc fort à parier que les avancées technologiques vont bouleverser le modèle que nous connaissons actuellement. Plusieurs axes sont visés :

  • Optimiser l’efficacité des véhicules : transporter plus en consommant moins
  • Modifier les types de consommation d’énergie en allant vers le « vert »
  • Revoir le schéma du réseau logistique en réduisant les trajets
  • Encourager la digitalisation pour faciliter le partage d’informations entre fournisseurs (expéditeurs), transporteurs et clients (réceptionnaires/destinataires)
  • Utiliser les dernières technologies pour suivre les flux en temps réel et améliorer le métier du transporteur

L’arrivée de géants du e-commerce a aussi fait croître les exigences des clients qui s’attendent aujourd’hui à des livraisons toujours plus rapides et moins coûteuses. La transformation de la fonction transport est donc complexe et ne peut être entreprise sans moyens technologiques. Ces moyens sont divers : les modes de transport varient mais pas seulement. De nouveaux systèmes arrivent pour aider le métier du transport, pour faciliter la gestion du trafic ou pour rapprocher les entreprises et ainsi diminuer les trajets.

Nous proposons ici de faire un état des lieux des technologies récentes ou futures qui vont améliorer la chaîne des transports.

Aujourd’hui : Réflexion autour du changement énergétique et du modèle logistique

Le fret maritime représente à ce jour 90% des échanges mondiaux de marchandises et ceci est une conséquence directe de la globalisation et des délocalisations. Le produit le moins cher se trouve à l’autre bout du monde et les porte-conteneurs sont donc les plus adaptés pour livrer la marchandise. Cependant, les mentalités changent et la voie du local gagne du terrain et la notion de transport pourrait alors se réduire à la simple notion de distribution. Mais le transport existe depuis l’antiquité et il ne pourra pas entièrement disparaître. Alors, dans un but environnemental, on se tourne vers les carburants alternatifs : les biocarburants, le gaz naturel voire l’électricité.

Aussi, les transporteurs acheminent régulièrement des conteneurs à vides (20% par voie maritime, 40% par voie terrestre) et c’est dans cette optique que la société Holland Container Innovations commercialise des conteneurs pliables pour le transport maritime et terrestre. Quatre conteneurs peuvent être pliés et se manipuler comme s’il s’agissait d’un seul. Les avantages sont nombreux : réduction des coûts de transport, de manutention et de stockage mais aussi de l’impact carbone.

Visuel en facilitation graphique, par notre Adventger Djaouad Srati

Afin de réduire les transports inutiles, la plateforme Magic Pallet a aussi une importance capitale dans l’échange de palettes. Quand une entreprise achète des marchandises, elles sont livrées sur des palettes qui doivent être retournées aux fournisseurs. Ceci entraine des transports longs et coûteux de palettes vides. Avec Magic Pallet, les transporteurs échangent des palettes en ligne en privilégiant les parcours locaux et en choisissant quand se font les échanges. Ainsi, cela entraine moins de trajets inutiles, de consommation de carburant, de frais de péage et d’usure de véhicule.

Mais le meilleur moyen d’améliorer notre empreinte environnementale serait de ne quasiment pas transporter. L’enjeu est cependant colossal pour les industriels qui cherchent à changer leur mode d’approvisionnement.

L’autosuffisance est une des réponses et l’impression 3D change la nature des marchandises échangées. Pour Jonathan Thibout-Curtinha, Senior Manager Audit chez PwC France, environ 40 % du fret aérien et maritime conteneurisé serait menacé par l’impression 3D puisque le lieu de production des marchandises est rapproché du client final et que cela réduit les volumes de marchandises à transporter.

Aujourd’hui : La tendance de l’autonomie

Au-delà de l’efficacité des véhicules, le maître mot est l’autonomie. Dans un futur proche, tous les véhicules sont voués à être autonomes : les voitures, les navettes et les trains, mais aussi les moyens de transport plus imposants.  Le premier porte-conteneurs autonome entièrement électrique et à zéro émission sera mis à l’eau en Norvège en 2022 et la société Flying Whales ambitionne de lancer son dirigeable autonome grâce à un ballon à l’hélium et un système de propulsion hybride (électrique et thermique) pour les transports de charges exceptionnelles (pales d’éoliennes, pylônes, fuselages…).

Visuel en facilitation graphique, par notre Adventger Djaouad Srati

Les transports seront alors plus constants, et cela permettra de réduire les coûts et d’augmenter la sécurité.

Aujourd’hui : Le digital pour tous

Le digital tire aussi son épingle du jeu. Bien sûr les transporteurs utilisent eux-aussi des outils de mobilité type smartphone ou tablette. Cela leur permet de saisir des informations ou de faire signer des bordereaux de livraison électronique par le destinataire, afin que le document soit synchronisé et partagé avec toutes les parties prenantes.

Les documents électroniques ne sont d’ailleurs pas une innovation en soit mais les entreprises prennent désormais conscience de leur intérêt et lancent des chantiers de digitalisation. Cela permet en effet la réduction des coûts d’impression, entraîne un gain de place, favorise l’accessibilité pour tous et accélère les démarches.

Enfin, la blockchain s’immisce aussi dans le secteur du transport et prône la responsabilisation de ses acteurs. La blockchain est un concept plutôt complexe mais voici un exemple qui permet de la comprendre facilement : un chauffeur doit livrer quatre palettes qu’il a récupéré chez l’entreprise expéditrice. On dit alors que l’expéditeur lui a transféré quatre « unités de responsabilité » sur son smartphone, dont il transférera la charge à un autre acteur au moment de la livraison.

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Aujourd’hui : Une meilleure gestion du transport 

Si les transports deviennent plus efficaces et plus autonomes grâce à l’appui du digital sur ces métiers, il en est de même pour les technologies utiles à la gestion du transport. C’est le cas des logiciels de gestion et de planning comme les Transport Management Systems (TMS), les Warehouse Management Systems (WMS) ou les logiciels d’analyse d’expédition. Ces logiciels permettent des chargements intelligents selon l’itinéraire le plus efficace et les différents arrêts. Les marchandises prévues pour la dernière livraison seront chargées en premier et les marchandises pour la première livraison seront chargées en dernier, ce qui améliore la vitesse de livraison. Certaines plateformes d’achat de fret proposent du transport (maritime, aérien, routier) mais aussi des services d’assurance. Ces plateformes optimisent le volume utile dans les conteneurs, localisent la cargaison à tout moment et communiquent avec les transporteurs et les conseillers logistiques.

Les systèmes embarqués sont aussi les bras droits des transporteurs. On trouve aujourd’hui plusieurs dispositifs de géolocalisation, de geofencing[1] et de corridoring[2]. Ces systèmes permettent d’éviter les vols de fret. D’autres systèmes permettent de mieux suivre la consommation de carburant, génèrent des alertes pour des décrochages de remorques, aident à l’évaluation du style de conduite et permettent ainsi d’éviter de s’endormir au volant ou de prendre le volant en état d’ébriété. Les systèmes de suivi d’avancement des livraisons, de gestion sociale (suivi des temps de conduite) ou encore de gestion de maintenance de la flotte permettent aussi d’améliorer les conditions de transport.

Les derniers systèmes de pesage en marche permettent de calculer le Load Transfer Ratio (LTR) afin d’envoyer une alerte lorsqu’il existe un risque de renversement. Ils détectent les transferts de charge pouvant amener une instabilité latérale grâce à des données issues de capteurs dans le véhicule. Des études mathématiques[3] ont également été entreprises pour prédire les mises en portefeuille des poids lourds (la remorque du camion se met en travers par rapport à ce dernier ce qui conduit à l’immobilisation de l’ensemble), grâce à des capteurs dans les véhicules et le type de route sur lesquels les véhicules roulent.

Visuel réalisé par Gautier Dupleix

En outre, des capteurs situés dans les véhicules permettent également le calcul de la pression des pneumatiques ou l’usure des pièces en temps réel.

Mais la toute dernière grande innovation technologique est le platooning et cette pratique va se démocratiser à grande vitesse d’ici 5 ans. Le platooning est le transport par convois qui permet de connecter virtuellement une série de poids lourds afin de synchroniser le freinage, la direction et l’accélération. Le premier poids lourd règle la vitesse et est suivi des autres véhicules qui reproduisent sa conduite. La pratique réduit la traînée aérodynamique des véhicules derrière le véhicule de tête, réduit les coûts de carburant jusqu’à 15%, diminue les émissions de CO² et améliore la sécurité des transporteurs et des usagers de la route.

[1] ou géorepérage par zones : fonction permettant de prendre des mesures si la position ou le déplacement d’un objet s’écarte de certaines valeurs fixées par avance. Le géorepérage utilise les données reçues par un récepteur GPS embarqué et transmises par téléphonie mobile.

[2] les entrées et sorties d’une route ou d’un ensemble de routes données peuvent provoquer une alarme en temps réel.

[3] Timothy, V. Fossum, V. Gilbert, N. and Lewis, A. (1981), Mathematical model for trailer-truck jackknifing, SIAM Review, vol. 23 (1).

Demain : La livraison plus efficiente

Pour les trajets les plus courts, les drones et les chariots autonomes auront également un impact catégorique. Certains leaders de la logistique testent déjà des systèmes de livraison par drone ou véhicules autonomes chez les particuliers comme La Poste ou Amazon.

Visuel réalisé par Gautier Dupleix

Des dispositifs d’aide aux livreurs sont aussi envisageables grâce aux chariots porteurs ou au chariots suiveurs et les avantages sont multiples : cela permet de garder le lien en diminuant les charges à porter, l’impact environnemental, les nuisances sonores et l’encombrement des voies routières.  La Poste a par exemple lancé un projet de chariot suiveur, prénommé Hector, avec la start-up Effidence pour ses livraisons en milieux urbains.

 

Demain : Evolution des infrastructures routières

Quand les transports changent, les infrastructures doivent en faire de même.

La société Rapid Flow Technologies développe le système Surtrac permettant de contrôler le trafic dans les zones urbaines. Les feux de circulation réagissent en temps réel aux flux de véhicules pour optimiser les flux et les attentes. Ainsi, Surtrac coordonne les flux en assurant la mobilité pour les piétons, les cyclistes et les véhicules.

Visuel réalisé par Gautier Dupleix

Les systèmes de gestion du trafic ont également vocation à faire disparaître les embouteillages (« décongestion intelligente »). Grâce à l’intelligence artificielle et aux techniques d’analyse prédictive, accompagnés des moyens de collecte de données (smartphones, capteurs, traqueurs GPS, caméras…), il sera bientôt possible de prédire et donc d’empêcher les embouteillages de se former sur les routes. Ce genre de système pourrait alors traiter des données complexes pour recommander aux différents conducteurs des trajets optimaux. La solution Real-Time Traffic de HERE en est un exemple.

Des villes comme Dubaï commencent à tester des plaques d’immatriculation numériques connectées pour tous les véhicules. Grâce à ce dispositif, les autorités sont directement alertées en cas d’accident, les véhicules sont géolocalisés à tout moment afin de réduire les vols et les plaques sont directement synchronisées avec des comptes bancaires pour automatiser le paiement des amendes.

Les autoroutes se transforment également. Par exemple, la société chinoise Qilu Transportation Development Group a inauguré en 2018 ses deux premiers kilomètres d’autoroute solaire. L’autoroute a été couverte de panneaux photovoltaïques sur 5875m² et serait capable d’alimenter l’équivalent de 800 foyers chinois. Cependant, le but ici est d’utiliser l’électricité produite pour alimenter les équipements de l’autoroute (panneaux de signalisation, lampadaires, péages et systèmes de vidéosurveillance).

D’autres projets d’autoroutes connectées sont en train de voir le jour comme le projet européen Scoop grâce à un système intelligent et coopératif : les capteurs embarqués des véhicules recueillent et partagent des informations auprès de bornes de gestion. Quand d’autres véhicules passent à proximité d’une de ces bornes, des informations lui sont transmises concernant la fluidité du trafic.

Demain en 2050 : Déjà le futur

Visuel en facilitation graphique, par notre Adventger Djaouad Srati

En voyant un peu plus loin, on peut aussi imaginer d’autres systèmes utiles au transport comme l’Hyperloop. Cette invention révolutionnaire imaginée par Elon Musk permettrait d’accélérer le fret grâce à des capsules flottantes dans des tubes dépourvus d’air pour supprimer l’effet de friction. Concernant le transport sous-terrain, la société suisse Cargo Sous Terrain (CST) étudie la possibilité de réalisation d’un système de tunnels souterrains pour diminuer drastiquement le fret à la surface.

Enfin, si la corrélation entre le transport de marchandises et un ascenseur orbital est peu évidente, le projet n’en est pas moins incroyable : l’entreprise japonaise Obayashi Corp prévoit le projet complètement fou de construire un ascenseur spatial de 96.000 kilomètres d’ici 2050, afin d’organiser des voyages dans l’espace. Peut-être pourra-t-on un jour approvisionner nos satellites grâce à de tels systèmes.

Conclusion

Nous vivons dans un monde qui bouge vite et nos métiers changent radicalement. Le métier du transport va évoluer dans les prochaines décennies pour améliorer le secteur mais aussi accélérer les livraisons, améliorer les conditions de transport et réduire l’impact écologique. Lors du prochain article, nous verrons quelles sont les dernières technologies et les futures potentielles innovations en matière de Réception.

 

Bibliographie

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