Les effets nuisibles de l’activité industrielle sur l’environnement ne sont plus à démontrer. Celui qui revient le plus souvent est sans doute le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre. Il ne s’agit pas de citer, dans cet article, les conséquences planétaires de ce dérèglement, mais il est intéressant de noter que si le rythme des émissions actuelles se poursuit, il sera impossible d’atteindre l’objectif fixé par 196 pays lors de la COP21, à savoir contenir le réchauffement en dessous de 2°C.
Nous avons longtemps pensé que performance économique et comportement écologique ne pouvaient pas aller de pair. Qu’une Supply Chain efficace passait forcément par une délocalisation en Chine, par une réduction des coûts des matières premières, ou encore par une programmation de l’obsolescence des produits.
Et si cette ère était révolue ? Et si les nouveaux enjeux de la Supply Chain étaient d’allier l’humain, la planète et le profit ?
C’est pour tenter de répondre à ces questions que nous proposons le présent article traitant des enjeux d’une Supply Chain verte. Il sera suivi d’un deuxième article proposant des solutions de mise en œuvre.
Pourquoi faut-il instaurer une Supply Chain verte ?
Au-delà de l’action citoyenne, d’autres facteurs obligent désormais les entreprises à intégrer la réflexion écologique dans l’élaboration de leurs stratégies Supply Chain.
En raison des coûts de transport
* Si la tendance du pétrole brut connaît de temps à autre des micro-mouvements baissiers, à long terme, celle-ci reste résolument haussière.
En effet, des pressions significatives devraient donner lieu à un sursaut du prix du pétrole d’ici 2020. Les gisements pétroliers perdent 5% de leur potentiel tous les ans, faisant ainsi baisser les investissements pétroliers (–25% en 2015 et –24% en 2016).
Parallèlement, la demande, émanant notamment des pays émergents, devrait continuer de progresser à raison d’1,5% par an.
La fin de la décennie devrait connaître un déficit de l’offre par rapport à la demande, faisant grimper le prix du baril à 80$ avec une poursuite de la hausse par la suite.
De plus, d’autres facteurs inflationnistes seront à considérer dans l’évaluation des coûts des transports :
* Le prix du carbone : La France, comme plusieurs pays dans le monde, favorise l’émergence d’une tarification des émissions de gaz à effet de serre. Qu’il s’agisse d’une taxe carbone ou d’un système de quotas, 13% des émissions mondiales sont soumises à une tarification réglementaire. Un chiffre destiné à croître avec l’engagement de la Chine notamment. De plus, la France a inscrit dans la loi la trajectoire du prix du carbone avec un prix à 100 €/tonne en 2030 contre 22 €/t en 2016.
* L’encombrement routier, de plus en plus important, fait inévitablement allonger les durées des trajets. Sachant que le salaire du transporteur représente une part majoritaire dans le coût du transport, l’impact de ce facteur sera moins négligeable à l’avenir.
L’équilibre obtenu dans les années 70, entre le coût du produit fini dans les pays de sourcing et le coût de son acheminement vers les bassins de consommation, est peut-être déjà rompu. On ne construit pas le même réseau logistique avec un baril à 30$ qu’avec un baril à 100$ !
Pour gagner un avantage auprès du consommateur
La liste des scandales sanitaires et sociaux, liés aux pratiques industrielles, est interminable : des lasagnes à la viande de cheval, des couches pour bébés contenant des substances toxiques, des perturbateurs endocriniens dans nos aliments et nos vêtements ou encore des usines à l’autre bout du monde, exposant ses ouvriers à l’insécurité, l’épuisement et la pauvreté. Chaque scandale égratigne la confiance du consommateur.
Au-delà de ses préoccupations sur sa santé, le consommateur est de plus en plus sensibilisé aux enjeux environnementaux. Selon l’étude Ethicity/Greenflex publiée en mai 2016, deux grandes tendances sont à noter : la montée des préoccupations sociales et locales et le bien-être animal.
La volonté des consommateurs en quelques chiffres (toujours selon l’étude Ethicity/Greenflex) se présente comme ceci :
- 85% des consommateurs disent privilégier les entreprises ayant une implantation locale, dans la commune, le département ou le pays,
- 89% des personnes affirment choisir des produits respectueux de leur santé et 60% répondent privilégier des produits plus naturels,
- Pour 1/3 des consommateurs, un produit responsable est un produit fabriqué par une entreprise respectant les différents intervenants de la production, c’est une attente très forte envers les distributeurs (+ 9 points entre 2014 et 2016),
- 77% des consommateurs sont favorables à l’étiquetage environnemental, pour toutes les catégories de produits et sur tous les lieux de vente (dont 56% favorables à le rendre obligatoire),
- Selon l’étude menée par Nielsen en 2015, 66% des consommateurs dans le monde se déclarent prêts à payer plus cher pour des produits issus d’entreprises engagées dans le développement durable (contre 55% en 2014) avec une attente particulièrement forte au sein de la génération Y (21-34 ans) où ce pourcentage atteint 73%.
En synthèse, le consommateur souhaite essentiellement la traçabilité, la naturalité, des produits plus locaux, respectueux de la planète, des personnes et des animaux.
On peut en déduire aisément l’avantage concurrentiel que peut obtenir une entreprise en mettant en place une Supply Chain verte.
Pour être conforme aux réglementations et aux normes environnementales
Que ce soit en France ou au niveau international, la législation environnementale tend à s’étoffer et à se durcir. Plusieurs lois ont vu le jour en France, de caractère plutôt incitatif, telles que la loi de Transition énergétique, les lois Grenelle 1 et 2 ou des textes de loi plus contraignants tels que la loi de devoir de vigilance, récemment votée à l’Assemblée nationale.
A côté de la réglementation qui leur est imposée, bon nombre d’entreprises éprouvent le besoin de se soumettre aux exigences des normes et des labels, que ce soit sous la pression des partenaires, pour répondre à un appel d’offres contenant des clauses sociales et environnementales ou pour soigner leur image de marque au-delà de l’auto-déclaratif.
On peut noter pour exemple, la norme ISO 26 000 RSE. Cette norme donne des lignes directrices aux entreprises, afin de leur expliquer comment s’engager dans des démarches en faveur du développement durable, qui concerne aussi bien l’économie, l’environnement et le social.
Les entreprises doivent rester en accord avec la stratégie nationale, voire européenne, de développement durable et anticiper l’évolution de la réglementation afin de ne pas la subir.