Gilles Fontaine & Thomas Benoit 10 septembre 2024

 

Le chantier CSRD représente un défi important pour les entreprises. La démarche de diagnostic pour préparer la mise en œuvre du rapport CSRD soulève de nombreux obstacles à surmonter qui peuvent rapidement minimiser le ROI, voire mettre en risque la démarche de mise en conformité.

Aujourd’hui, 47% des entreprises françaises impactées ne s’estiment pas prêtes à répondre aux exigences pour la mise en œuvre de la directive CSRD (Sondage AMF) avec 3 principaux risques identifiés :

  • La structuration et l’accès aux données
  • L’expertise technique pour analyser les données complexes relatives à la durabilité
  • L’intégration des concepts ESG dans les modèles de reporting existants avec un impact fort sur les processus internes

Grâce à sa démarche de Diagnostic, Advents a pu identifier 3 grands axes stratégiques pour la mise en œuvre du reporting CSRD avec les bonnes et les mauvaises pratiques associées.

 

La gouvernance : clé stratégique du chantier CSRD

 

Comme tout projet à portée réglementaire, la gouvernance représente un facteur de risque majeur, d’autant que la mise en œuvre du rapport nécessite de couvrir un nombre très conséquent de périmètres de l’entreprise et de son écosystème, avec une multiplicité de parties prenantes à intégrer, à fédérer, à faire interagir sur ce projet :

  • Internes : DAF, DG, DRH, Directions Opérationnelles, Direction Marketing…
  • Externes : Fournisseurs, Clients, Communautés, Partenaires publics…

De plus, la dimension stratégique du rapport, en tant que facteur de compétitivité et d’orientation des futurs investissements externes, impose l’adoption, par la direction générale, d’une vision stratégique autour de la durabilité (cf. article Advents sur l’enjeu pour les DAF pour le reporting CSRD).

Au regard de l’importance de la démarche qui impose de produire un plan d’action engageant sur chacun des ESRS pour lesquels l’entreprise est impactée, l’établissement de bonnes pratiques pour aboutir à une gouvernance structurée et responsabilisante est primordial.

 

Les DO –

 

  • Mettre en place une gouvernance forte avec un comité dédié au suivi des enjeux CSRD afin de mieux piloter les contributions de toutes les parties prenantes et suivre les investissements pour  déployer le rapport et améliorer les performances de durabilité à long terme.
  • Investir dans des outils de collecte et d’analyse de données pour traiter au mieux la diversité et la complexité des éléments à inclure dans le rapport. Ces outils doivent également permettre de réaliser une projection à court, moyen et long terme des impacts ESG (comme par exemple la mise en place d’un EPM).
  • Privilégier une démarche progressive avec des objectifs clairs et mesurables afin de conserver une démarche en mode Minimum Viable Product et répondre en priorité à l’exigence réglementaire, tout en améliorant progressivement la profondeur d’analyse et la maîtrise opérationnelle des performances ESG.

 

Les DONT –

 

  • Considérer la CSRD comme une contrainte réglementaire plutôt qu’une opportunité stratégique qui conduirait à n’impliquer qu’une seule direction (RSE ou DAF par exemple) et à ne pas mettre en œuvre une gouvernance à la hauteur des enjeux.
  • Négliger l’importance de la qualité des données recueillies en considérant les données quantitatives séparément, sans les lier à la stratégie de l’entreprise et son business model.
  • Vouloir tout changer en même temps sans priorisation des actions car le principal risque, sur un projet d’une telle envergure, serait de conditionner la mise en œuvre du rapport CSRD à la validation d’un plan de transformation globale pour tous les chantiers de l’entreprise en adhérence.

 

La formation et la collaboration : un facteur d’efficacité opérationnelle

 

La mise en œuvre du rapport CSRD soulève des questions structurantes autour de la stratégie d’implication des directions de l’entreprise sur ses propres enjeux de durabilité. A ce titre, une démarche de sensibilisation, de formation et de collaboration entre toutes les parties prenantes peut être autant un facteur d’opportunités que de risques.

A ce jour, le manque de communication et de collaboration des équipes représente 29% des causes d’échec des projets de transformation (onethreadapp.com) quand 39% échouent à cause d’un défaut de formation et de gestion des connaissances des équipes (TeamGantt).

Ainsi la mise en œuvre de la directive CSRD doit s’appuyer sur des bonnes pratiques en matière de formation, de gestion de la connaissance et de collaboration.

 

Les DO –

 

  • Former et sensibiliser les équipes sur les exigences CSRD et les enjeux ESG comme préalable au démarrage du chantier CSRD pour sécuriser l’embarquement des contributeurs. Cette action permettra de maximiser l’implication, l’efficience et la pertinence des parties prenantes dans leurs contributions.
  • Collaborer avec des experts externes sur les enjeux réglementaires sur le même secteur pour bénéficier de leur expérience et anticiper un maximum de points critiques auxquels l’entreprise fera face lors de la phase de déploiement. Ce point est d’autant plus important qu’il permettra de favoriser une démarche d’apprentissage collectif pour mieux répondre aux exigences réglementaires propres au secteur d’activité de l’entreprise.
  • Développer des partenariats avec les parties prenantes pour améliorer la transparence. Ce point est une recommandation forte de l’EFRAG afin d’être pertinent dans la mesure des impacts sur la matrice de double importance du rapport CSRD. Elle permet également de maximiser le ROI des actions à moyen/long terme qui seront inscrites dans le rapport pour répondre aux enjeux ESG des parties prenantes.

 

Les DONT –

 

  • Sous-estimer le besoin d’accompagnement continu qui peut amener à un désengagement des directions contributrices et des parties prenantes externes dans la construction du rapport et la démarche d’amélioration de la performance durable. Compte tenu de la réglementation qui peut être amenée à évoluer et de la difficulté à mesurer les opportunités de la directive CSRD, les actions de sensibilisations et de formation sont d’autant plus critiques qu’elles vont avoir un impact sur le ROI d’un tel chantier.
  • Ignorer les retours d’expériences d’autres entreprises ou industries qui font perdre un temps précieux dans un projet comportant autant de risques autour de la compétitivité « durable ». L’expérience sectorielle doit être partagée notamment pour répondre aux futurs ESRS spécifiques au secteur de l’entreprise.
  • Éviter les dialogues avec les parties prenantes externes par peur des critiques qui vont avoir un impact sur les indicateurs. La directive CSRD s’inscrivant dans une logique de reporting axée autour de la chaine de valeur de l’entreprise, il est important d’impliquer les parties prenantes externes dans l’évaluation des performance ESG et dans la définition d’actions répondant à leurs enjeux.

 

La technologie et la digitalisation : un défi pour la mise en œuvre du rapport CSRD

 

Si l’implication des parties prenantes et la gouvernance autour des enjeux de durabilité représentent des enjeux stratégiques, la technologie constitue un défi opérationnel pour la mise en œuvre du rapport.

Près de 49% des entreprises utilisent Excel comme outil de reporting ESG (Sondage KPMG). Compte tenu des exigences du rapport CSRD en matière de projection à court-moyen-long terme et du besoin de simuler l’interaction entre l’écosystème et le business model de l’entreprise, la mise en œuvre d’outils technologiques en capacité de traiter la consolidation, l’analyse, la projection et le reporting des données reste une difficulté majeure.

A ce titre, l’approche IT reste déterminante avec des bonnes pratiques à adopter sur le chantier CSRD.

 

Les DO –

 

  • Utiliser des logiciels et des plateformes dédiés pour automatiser la consolidation des données autant quantitatives (donnés financières, émissions de CO2, gestion des déchets…) que qualitatives (éléments narratifs). De nombreux outils sont déjà positionnés sur différents enjeux du rapport (Bilan GES, Finance Carbone, Conformité, ESG…) mais peu d’outil ont été développés pour répondre à toutes les exigences de la réglementation CSRD. Le choix d’outils restent donc critique pour assurer le succès du chantier CSRD.
  • Digitaliser les processus de reporting pour faciliter la production rapide du rapport CSRD. En tant que rapport extra-financier intégré aux liasses soumises à certification des Commissaires Aux Comptes, le rapport doit respecter un planning réglementaire strict. La démarche de production du rapport doit s’inscrire dans les process de reporting financiers en commençant par la Direction Administratives et Financières (habituée aux processus de reporting).
  • Mettre en œuvre des outils d’analyse prédictive afin de projeter plus rapidement les impacts à long terme sur l’entreprise, son écosystème et son business model. Bien que l’entreprise soit naturellement focalisée sur la production du rapport lui-même, une des exigences est de fournir une projection des impacts dans le temps, ce qui implique la capacité à croiser de nombreuses variables internes et externes (tant structurelles que conjoncturelles) dans un système de projection stratégique et opérationnel.

 

Les DONT –

 

  • Ne pas projeter l’outil de reporting CSRD dans l’écosystème informatique et la structure data de l’entreprise. Etant donné le nombre important, la diversité et la complexité des indicateurs à fournir, il est indispensable d’adopter une démarche de data management pour garantir la fiabilité et l’auditabilité du rapport CSRD. Cette structuration de la data va également accélérer le déploiement du rapport CSRD avec l’identification des données sensibles et la responsabilisation des directions sur la fiabilité de leur SI de gestion.
  • Ne pas adopter une démarche digitalisée pour la partie narrative du rapport CSRD qui représente 70% du rapport. La mise en œuvre de la structure narrative permet de contextualiser les indicateurs quantitatifs. Il est donc essentiel d’optimiser la consolidation et la structuration de ces données. A ce titre, certains outils exploitent l’IA pour extraire de la documentation existante les éléments narratifs de l’entreprise.
  • Sous-estimer l’importance de la sécurité des données sur lesquels le rapport CSRD va s’appuyer. Le rapport comportant de nombreuses données sensibles (financières, RH, industrielles…) et sa portée se situant sur l’ensemble de la chaîne de valeur avec des contributions externes, la gestion de la sécurité des données représente un investissement indispensable pour éviter tout risque autour du secret des affaires et des procédés industriels.

 

En bref

 

Pour assurer une transition efficace vers les exigences de la directive CSRD, les entreprises doivent mettre l’accent sur une fondation solide durant la phase de démarrage. Cela implique une planification minutieuse et une mise en œuvre stratégique grâce à  :

  • Une gouvernance robuste avec des responsabilités clairement définies pour superviser le projet, assurant ainsi que les objectifs CSRD soient alignés avec les objectifs globaux de l’entreprise
  • Une démarche de formation et de collaboration garantissant la compréhension et l’adhésion autour des enjeux du rapport CSRD et les méthodologies de reporting nécessaires
  • Une approche technologique et digitale structurée afin de simplifier le processus de reporting, garantir la précision, la véracité et la conformité de données complexes, typiques du reporting CSRD

En mettant l’accent sur ces aspects, dès la phase de démarrage, avec notamment un diagnostic de maturité CSRD, les entreprises surmonteront les premiers défis et poseront les bases d’une intégration réussie du reporting de durabilité. Cette démarche permettra, non seulement, de répondre aux exigences réglementaires mais aussi de renforcer leur compétitivité et leur réputation en tant qu’entreprises responsables et durables.

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