S’il y a bien un secteur qui va être « percuté » par l’IA, c’est celui de l’assurance.
Pourquoi ? Parce que son modèle industriel est basé sur la technologie des systèmes d’information et qu’il carbure à la donnée (comme par exemple dans le modèle de calcul des primes). Les systèmes d’information et la data, deux domaines dans lesquels l’IA vient rebattre les cartes et changer les habitudes.
Au cœur des systèmes d’information…
La digitalisation des opérations est à l’assurance ce que la robotisation est à l’industrie manufacturière : une nécessité vitale de compétitivité. Dans cette course perpétuelle à l’automatisation IT des processus, le secteur de l’assurance a déjà beaucoup œuvré :
- Centralisation et partage des informations « cœur », qu’il s’agisse de flux, de données, de plateforme, de bandes… avec tout son écosystème (expert, réparateurs, acteurs de sante, etc…)
- Développement du selfcare client, de la souscription du contrat jusqu’à la gestion des prestations ou sinistres, l’assistance ou la réparation en nature
- Traçabilité et reporting des opérations, au gré des règlements français ou européen, demandant toujours plus de transparence, de reporting, de données et de contrôles
- Adaptation des parcours clients et collaborateurs, avec le minimum de coupures ou ruptures de process (Espace Web, Poste de travail, workflows…)
Même si l’on peut toujours espérer augmenter cette automatisation, il reste un frein : le ROI. Sur certains processus à faibles volumes, ou critiques en technicité, les efforts d’automatisation se heurtent à l’effort des investissements nécessaires et leur rentabilité.
… Et des évolutions de la data
La donnée était jusqu’à peu interne aux assureurs : maîtrisée, analysée, consolidée et protégée. Le développement exponentiel des données externes indispensables à l’alimentation des modèles internes des assureurs les amène à devoir changer d’approche :
- L’explosion des données est liée en grande partie aux nouvelles données des objets connectés (IoT), au-delà de celles jusqu’ici « naturelles » pour l’assureur : téléassistance, télésurveillance, pay-as-you-drive, boitiers flotte… L’assureur doit s’alimenter en données issues de sources de plus en plus nombreuses et disparates mais indispensables à son business model (publiques, privées, structurées ou non)
- Même si l’éthique (par exemple en santé ou prévoyance) doit être une préoccupation constante, l’assureur doit s’ouvrir et partager une partie de ses données, pour en récolter également d’autres sources. L’approche Open source s’invite à la table des actuaires
- Les réseaux neuronaux et autres IA Générative s’alimentent également d’autres formes de données que celles habituellement utilisées en assurance : photos, vidéos, voix. Autant de typologies qui ne rentrent pas encore dans les tables de mortalité
- Le risque Cyber n’est plus un risque mais une certitude, comme le régulateur l’a bien compris avec DORA, et son cortège de mesures de prévention. Les assureurs ne pourront plus protéger totalement leurs données, comme constaté récemment sur le réseau santé, dans cette assurance augmentée et étendue
Alors, face à ce tsunami de l’IA, quelles sont les opportunités pour le secteur de l’assurance ?
L’utilisation de l’IA déjà en place pour certains cas d’usage
Tous les assureurs expérimentent et utilisent aujourd’hui l’IA comme un outil, en commençant par les usages « naturels » :
- La détection de fraudes : l’IA a multiplié la puissance de la détection de fraude, en amont de la souscription et tout au long du parcours de l’assuré
- L’utilisation des photos et vidéos dans la gestion de sinistres, avec la reconnaissance et le chiffrage des dégâts
- L’automatisation de la déclaration de sinistre ou d’assistance par détection des informations sur les véhicules, ou des capteurs dans les installations industrielles
- La modélisation des probabilités d’intrusion par analyse des images de la télésurveillance
Les pistes de développement de l’IA dans l’assurance
Nous pouvons par ailleurs imaginer beaucoup d’autres cas d’usage où l’IA va jouer un rôle central pour l’assureur :
- La personnalisation des tarifs en fonction de la connaissance plus fines des clients, les recommandations personnalisées en marketing ou via les « Bots » conversationnels
- La prédiction d’évènements climatiques, la prévention des risques à la personne en fonction des modes de vie, l’assistance plus fine des personnes dépendantes
- Une réactivité plus forte dans la gestion de sinistres, avec ou sans drones, pour une expertise plus rapide et plus juste (avec détection de fraude renforcée)
- La captation de nouveaux clients par une plus grande réactivité dans l’adaptation des offres, voire dans les comparaisons en temps réel
Cette liste non exhaustive devrait permettre de concentrer l’interaction humaine sur la confiance réciproque nécessaire entre l’assureur et son assuré.
Un usage à encadrer et un cadre à respecter
S’il est difficile de prédire tous les cas d’usage qui vont se présenter aux assureurs avec l’IA, il est en revanche possible de déterminer les invariants que cette révolution devra respecter, sous peine d’exclusion de cette confiance indispensable :
- La qualité de la donnée restera un sujet central, tant pour la justesse de la tarification et des provisions techniques que pour la confiance de la relation client
- En corollaire, la sécurité et le reste des règles de confidentialité. RGPD n’était qu’un avant-goût, et DORA une première étape de lutte contre la cybercriminalité
- La transparence et la pédagogie dans l’utilisation des IA dans les différents processus de l’assureur. L’IA Act le rappellera aux étourdis
- L’éthique et la responsabilité dans l’utilisation et le partage des données ; ce point est d’ailleurs au cœur d’une polémique au niveau des instances européennes
- Le recrutement et la formation de personnes compétentes pour développer, intégrer et utiliser l’IA, mais aussi pour développer cette nouvelle relation de confiance en partie déléguée à un « corps étranger »
- L’acceptation des utilisateurs à traiter avec des robots. Cette acceptation sera progressive, très probablement, et devra s’accompagner d’une nouvelle définition de la valeur ajoutée de l’humain
Alors Graal ou non ?
Chacun a la possibilité de voir le calice à moitié plein ou à moitié vide, mais il parait aujourd’hui difficile d’ignorer les (r)évolutions que les assureurs vont devoir affronter, peut-être plus que d’autres secteurs, moins serviciels et moins centrés sur la donnée. De quoi chahuter les organisations et nécessiter un accompagnement ad hoc d’Advents !