Caroline de Seze 2 juin 2021

 

Selon Gartner, 80 % des tâches de gestion de projet actuelles seront traitées par l’intelligence augmentée d’ici 2030.

L’arrivée de l’intelligence augmentée (IA) dans les organisations fait du bruit. Entre les projets futuristes et la réalité, nos experts se penchent sur le sujet et vous proposent leur éclairage. Cette réflexion s’appuie sur notre expérience du terrain afin d’apporter une vision réaliste des apports de l’IA à la gestion de projet.

 

« L’intelligence augmentée, c’est l’intelligence artificielle mais sous le contrôle humain. L’enjeu est bien de mettre la technologie au service de l’humain, voilà pourquoi chez Advents nous préférons parler d’intelligence augmentée.« 

 

Les usages que nous évoquons ne s’appuient pas nécessairement sur des solutions existantes sur le marché… certaines sont encore à créer !

 

I. Un super assistant à votre service

 

Le cas d’usage le plus évident consiste à utiliser l’IA comme un super assistant : l’IA exécute efficacement une partie de vos actions à faible valeur ajoutée. Entre les cas d’usage dont vous avez déjà entendu parler et ceux que vous imaginez, voilà quelques exemples de l’utilité de l’IA grâce à la puissance du « machine learning ».

 

« Le Machine Learning est une technologie d’IA qui donne aux ordinateurs la capacité d’apprendre à partir de données, c’est-à-dire d’améliorer leurs performances à résoudre des tâches sans être explicitement programmés pour chacune. On parle d’IA auto-apprenante.« 

 

Aujourd’hui, l’IA peut déjà automatiser la production de contenu rédigé, à l’instar des comptes-rendus ou des retours d’expérience (REX). À partir des notes des participants, l’IA sait proposer un compte-rendu rédigé. Elle pourra même, demain, créer ou mettre à jour les tâches dans un outil de gestion de projet.

  • L’application Beesy s’attelle à optimiser la rédaction de CR. Un assistant virtuel compile vos notes de réunions et vous envoie une proposition de CR contenant l’ordre du jour, les décisions et plans d’action, les parties prenantes, les projets associés et les dates.

À propos du suivi des tâches, concrètement, l’IA pourra alimenter vos outils de gestion de projet (Portfolio and Project Management – PPM) via une commande vocale. Il vous suffira de dire « J’ai terminé la tâche A » ou « Je reporte la tâche B à la semaine prochaine » pour que l’outil soit mis à jour.

  • Planisware a mis en place un robot conversationnel. La commande vocale pour mettre à jour l’avancement du projet est peut-être la prochaine évolution de ce chatbot ?

Alimenter l’avancement du projet au fil de l’eau est une des tâches les plus lourdes dans le cadre de du pilotage par la valeur acquise ou Earned Value Management (EVM – méthode qui mesure le lien entre l’avancement concret du projet, les délais et la consommation du budget). L’IA pourra alimenter l’EVM de manière automatique : un véritable gain de temps pour le chef de projet.

Dans la même lignée, détecter des alertes est aussi une force de l’IA. Surtout quand ces alertes concernent des points précis qui peuvent passer sous les radars. Elle pourra alimenter des reportings avec ces alertes.

  • Une fonctionnalité expérimentale chez Wrike (Solution de gestion de projet) permet d’enrichir l’approche actuelle basée, jusque-là, sur un simple calcul. « La prédiction des risques des projets basée sur l’IA permet une approche d’apprentissage automatique offrant une estimation plus complète des risques, en fonction de dizaines de facteurs actuels et historiques associés à vos projets. » Source

L’IA en tant que super assistant peut aussi s’illustrer dans l’assistance opérationnelle. Sa pertinence pour prioriser vos courriels ou vos tâches s’améliore de jour en jour. De nombreuses messageries proposent déjà ce service avec la mise en place d’onglets (Prioritaire et Autre sur Outlook).

  • Avec MyAnalytics, Microsoft propose une IA au service de l’organisation personnelle et individuelle. MyAnalytics analyse vos habitudes de travail à partir desquelles elle offre des pistes pour améliorer votre productivité.
  • Il y a eu des expérimentations menées par Proactive, une société danoise, et Microsoft Project. Cela a donné lieu à Otto, un Personal Project Manager Assistant capable d’alléger les travaux du chef de projet. Il peut par exemple organiser des RDV en fonction des agendas ou mettre à jour les KPI de suivi de projet (Source et Source)

 

II. Un super anticipateur à votre service

 

L’IA est aussi bien plus qu’un super assistant. Sa capacité à faire parler la data d’une organisation lui permet de réaliser des analyses prédictives grâce auxquelles vous anticipez les futurs possibles pour vos projets.

À partir de votre historique, l’IA est à même de proposer des plannings. Elle intervient ainsi dans la planification projet et, en anticipant les scénarios, elle pourra même alimenter les arbitrages.

Qui dit gestion de projet dit gestion du risque. L’IA peut automatiser l’identification et le suivi des risques. Encore une fois, à partir des données historiques, l’IA pourra qualifier les risques liés à un projet et prévoir les chances de succès ou d’échec d’un projet.

À partir des données des projets passées (calendriers, arbitrages rendus, suivi des risques, disponibilité des ressources, respect des délais), il n’y a qu’un pas pour que l’IA soit en mesure d’alerter sur les possibles conséquences d’un choix. Par exemple une nouvelle fonctionnalité dans un ERP pourrait en faire régresser une autre. L’IA apparaît alors comme le catalyseur des expériences individuelles sur un projet, qu’elle trace et peut retrouver quand une question qui s’est déjà posée se pose à nouveau. C’est l’usage de l’IA comme « super-capitalisation ».

  • C’est l’objet de l’entreprise Listen Value, qui cherche à alimenter les projets avec les données que les collaborateurs produisent tous les jours. ListenValue récupère les données de multiples sources afin de les rendre exploitables.

En augmentant le spectre des données qu’elle analyse, l’IA sera capable de détecter les signaux faibles. Se pose alors la question des limites à poser au regard de la confidentialité des données : Jusqu’où les entreprises veulent-elles aller ? À quel périmètre de données l’IA peut-elle avoir accès (courriels, outils collaboratifs, téléphones, etc.) ? Gardons aussi en tête que restreindre l’accès à la donnée signifie déjà limiter la puissance de l’IA.

  • Les éditeurs de PPM (Project Portfolio Management), à l’instar de Microsoft Project, Planisware ou Wrike, travaillent sur ce sujet à partir des données disponibles dans leurs solutions. Le but est de réussir à détecter les signaux faibles qui peuvent échapper à la vigilance des acteurs du projet.

 

III. Un super optimisateur des forces de la société

 

Un 3ème et dernier cas d’usage montre toute la force de l’IA. Jusque-là, nous avons vu que :

  1. l’IA permet de faire plus efficacement des tâches que peut faire un humain.
  2. l’IA peut faire parler des données historiques et les transformer en un véritable levier stratégique en un temps record, alors qu’il faudrait toute une armée pour atteindre le même résultat sans IA.

Dans ce dernier point, nous allons plus loin pour montrer la force de cet outil qui ne remplace pas l’homme mais qui offre un vrai plus. La capacité d’analyse de l’IA offre une possibilité nouvelle d’exploiter au mieux les forces de l’organisation.

Concrètement, l’IA offrira la possibilité d’aider au choix lors de l’organisation de réunion. Elle pourra proposer des participants pertinents pour une réunion en fonction de ce que chacun peut apporter par son expertise et veiller à ce que soient conviées les parties prenantes nécessaires pour qu’une décision soit prise. L’IA offrira aux réunions les moyens d’honorer leur ordre du jour.

En faisant un pas de plus, l’IA sera à même d’identifier dans votre organisation des experts insoupçonnés à solliciter face à une problématique précise. Ce sera un moyen de casser les silos, d’éviter de perdre du temps à chercher les bons interlocuteurs et de participer à une meilleure communication dans l’entreprise en identifiant les adhérences.

  • En ayant accès à l’ensemble des échanges et des connexions sur les différents outils, l’IA sera en mesure de détecter des compétences recherchées et peut-être insoupçonnées. Elle permettra par exemple de savoir que le stagiaire qui vient d’arriver sait coder en Python, ou que le comptable maîtrise la facilitation graphique.

Enfin, la gestion des ressources critiques est un aspect chronophage qui peut faire perdre beaucoup d’efficacité à un projet. L’IA pourrait intervenir en proposant des solutions envisageables et en identifiant les impacts projet des choix possibles. Cela passerait par exemple, par sa capacité à estimer précisément la durée d’une activité en fonction de la ressource prévue.

 

Tout ceci repose sur un fonctionnement d’entreprise résolument orienté données (« data-driven » en anglais). En effet ces données sont la matière première de l’IA.

Attention   Ceci nous amène à des points d’attention à ne pas négliger !

 

Tout d’abord, si l’IA est construite sur l’historique d’une organisation, elle ne fait que retraiter des données. Ses prédictions risquent de couper les projets de toute innovation en ne faisant que refaire ce qui a déjà été fait. L’IA en tant que tel ne peut pas faire de projet, elle peut en revanche les organiser. Un projet est nouveau par définition, l’IA en est le « gentil organisateur » plutôt que l’instigateur.

Voilà qui montre aussi, et nous y tenons, qu’il y a une véritable complémentarité entre l’IA et l’homme et non une équivalence. L’humain reste irremplaçable. L’IA reste « faible », elle n’a pas la capacité d’innover, d’être inspirée et créative, à contrario de l’IA dite « forte » qui n’existe pas aujourd’hui.

Un autre point dont il faut avoir conscience est l’effet boîte noire de l’IA. Le « machine learning » ou le « deep learning » reposent sur des algorithmes complexes. Entre les données en entrée et les résultats en sortie, toutes les conclusions qui ressortent ne sont pas explicables. Si l’IA propose des arbitrages sans explication, quelle est la capacité de l’organisation à les appliquer ? C’est aux organisations de se positionner pour déterminer leur propre seuil d’acceptabilité de cet effet boîte noire.

 

En conclusion

 

L’arrivée de l’IA dans la gestion de vos projets amène irrémédiablement celle-ci à évoluer, à s’enrichir et à en accroître la performance. Toutefois cela ne relègue pas la pratique actuelle de la gestion de projet au grenier. Les bonnes pratiques actuelles sont justement une force de levier, elles permettront demain d’accroître l’efficacité de l’IA en garantissant des bases solides. Gardons en tête que l’IA est faite de données et de paramétrage.

Avant même de mettre en place de l’IA dans la gestion de vos projets, vous pouvez dès à présent mettre en place une « hygiène de la donnée » dans votre organisation. La qualité de ces données est garante de la qualité des résultats produits par une future IA. Concrètement, il s’agit de passer de données non structurées à des données structurées. Ainsi disposer dès aujourd’hui une stratégie de gestion de la donnée est un tremplin pour la mise en place de l’IA demain.

 

Pour aller plus loin